Depuis quelques mois, le pays est en proie à un débat très vif pour la Suisse, et parfois très émotionnel, sur la réussite du modèle de l’école inclusive ou la nécessité pour les cantons de renouer avec l’ancien modèle des classes ordinaires et des écoles spécialisées. Pour rappel, l’école inclusive accueille tous les enfants, sans aucune distinction. Les enfants moins performants, auparavant scolarisés dans des classes à effectif réduit ou dans des écoles spécialisées, vont aujourd’hui, si possible, à l’école avec tous les autres enfants, moyennant un encadrement et un soutien supplémentaires. Actuellement, les discussions portent sur deux questions centrales: la hausse majeure des dépenses que l’école inclusive a incontestablement engendrée porte-t-elle ses fruits et le soutien massif aux élèves moins performants est-il préjudiciable au reste de la classe?

Je n’ai pas la prétention de porter un jugement définitif sur ce sujet important. Il me semble toutefois crucial que les décisions ne soient pas l’apanage des responsables politiques et des bureaucrates de l’éducation, mais qu’elles soient prises avec le personnel enseignant et les parents concernés.

En revanche, ce qui me déconcerte – d’où cette entrée en matière – c’est le fait que dans toute la discussion menée au sein des parlements, mais aussi et surtout dans les médias, il ne soit question que de la meilleure manière de soutenir les jeunes ayant des difficultés d’apprentissage, mais jamais de l’encouragement des talents. S’il est important et juste pour une société solidaire d’aider les enfants et les jeunes qui ont des difficultés à apprendre, il serait tout aussi décisif de se pencher dans le même temps sur un soutien ciblé et prometteur des enfants et des jeunes particulièrement talentueux. Les fonds alloués à la promotion des talents représentent aujourd’hui encore une fraction de ceux consacrés à l’inclusion des jeunes moins performants. Sans vouloir les opposer, force est de constater que le modèle de l’école inclusive mobilise tant de moyens qu’il n’en reste plus suffisamment pour l’encouragement des talents exceptionnels – même en gardant à l’esprit la situation difficile des finances publiques. À long terme, la société tout entière, dont l’avenir dépend aussi de la capacité des talents à apporter une contribution déterminante, en pâtira.

Il est vrai que de nombreux cantons et communes proposent d’excellentes écoles de sport pour les jeunes talents de tout niveau. Les offres destinées aux jeunes artistes remportent également un succès considérable depuis de nombreuses années. En revanche, les programmes de soutien aux jeunes talents, qui devraient être beaucoup plus encouragés et sollicités que ce n’est le cas aujourd’hui, notamment dans la formation gymnasiale, font toujours défaut dans les écoles publiques. Il n’est donc pas étonnant que les écoles privées proposant ce type d’offres connaissent un grand succès. Mais, et je le dis sans ambages, il n’est pas acceptable que l’État délègue l’essentiel de l’encouragement des talents au secteur privé. Il est donc urgent d’élargir le débat en cours sur l’école inclusive à la promotion des talents et de chercher des solutions pour que les jeunes les plus performants et les moins performants trouvent leur place dans la famille, le travail et la société.

Notre fondation continuera, dans la mesure de ses possibilités, d’aider les talents à atteindre leurs objectifs ambitieux. Je remercie de tout cœur celles et ceux qui nous aident à mener à bien cette noble tâche.